L'Escaut, de la source à l'estuaire
Comment imaginer qu'un filet d'eau perdu dans un pâturage de Gouy, modeste village de l'Aisne, puisse donner naissance 450 km plus loin à un grandiose fleuve hollandais?
Dans le chant tiré des roseaux
Par l'archet léger de la brise,
Germe l'écho d'un filet d'eau
Et cette rumeur imprécise,
L'enfant joue avec un dauphin
Tout fier de montrer sa nageoire,
Frêle stèle dans le bassin
Jeux facétieux au fond du soir.
Les navires voguent sur l'herbe
A travers la plaine et le bois,
Dans le feu d'un couchant superbe
Canal une dernière fois,
A Gand, la ville aux vingt-six îles
L'Escaut ne cesse de gagner,
Quittant les chemins inutiles
Pour trouver d'autres cavaliers.
A Anvers, frisson des ripailles
A présent, ton jour est levé,
Le Graal, après la bataille
Blaise Cendrars, loup affamé,
Garde cette main dans la tienne
Fille des épaves d'instants,
Rescapée d'une vie ancienne
A tracer les lignes du temps.
Vapeurs soufrées, sables mouvants
L'estuaire respire la vase,
Où grouillent des appâts vivants
Echappés des fûts de cervoise,
L'Escaut oublie en mer ses marges
Dans un décor de remorqueurs,
Pressés d'atteindre le grand large
Poussés par des désirs d'ailleurs.
Au loin, le ballet des navires
Dans un battement miroitant,
L'eau devient verte puis saphir
Au ras d'un souffle scintillant,
Tu peux, errante hirondelle
Tracer un lumineux sillage,
Là-bas, dans un battement d'ailes
Fuir encor pour tromper l'orage.
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Poème de Thierry Quintrie Lamothe
Cartes d'Anthony Despaslins
Merci Thierry pour ce beau poème !
Il traduit bien le mouvement du fleuve et sa métamorphose, son élargissement au fur et à mesure qu'il coule vers la mer. Il montre aussi la vie pétillante autour du fleuve, celle des hommes, de leur activité mais aussi de la nature et de la faune.
- Le mouvement : l'Escaut ne cesse de gagner ; quittant... pour trouver ; l'eau devient verte puis saphir ;
- La vie : l'enfant joue ; les navires voguent ; frisson des ripailles ; Blaise Cendrars, loup affamé ; fûts de cervoise ; remorqueurs pressés et poussés par des désirs d'ailleurs ; ballet des navires ; errante hirondelle ; battement d'ailes ;
- La métamorphose progressive…
Waw ! donne envie d'aller voir de plus près
Magnifique ! La dernière strophe est une pépite !
Toujours pétillant d'idées nouvelles ! Thierry et ton gout du voyage sous toutes ses formes, des autres, des savoirs faire, des cultures, des paysages...et des mots.
J'ai aimé être embarqué par ces quelques gouttes d'eau qui "fédèrent" pour devenir simplement un ensemble gigantesque, spectatrices silencieuses de la vie effervescente qu'elles procurent.
Jean-François S.
Merci à toi, Thierry, de nous offrir ce beau poème, j'ose dire, sans exagération, peut-être ton plus beau poème, par sa simplicité, sa douceur, sa musicalité qui font les grands poètes - on le retient déjà presque par coeur, dès la première strophe -, par les histoires agitées des hommes qu'il nous fait revivre, les lieux, les paysages qui défilent si clairement sous nos yeux– comment ne pas songer au Plat pays de Jacques Brel – et vite, on veut se saisir d'une toile, d'un pinceau, de tubes de couleurs pour en faire des tableaux Et surtout, on sent la respiration, le calme intérieur du poète, qui soudain, le coeur battant, exhorte son amie l'hirondelle à voler vers la…
Superbe, ... votre poésie me touche... Une idée : proposer votre poésie à Yves Duteil pour qu'il en fasse, avec vous, une merveilleuse chanson.
Une amoureuse de la langue française,
Christine Philippe