
MA BANLIEUE
Elle se dresse
De toutes ses flaques bileuses
Relents d’herbes souillées
Ce bout de nulle part
Pôle nord parisien
De mon sous-sol humide
Je la contemple aux heures creuses
Quand les nuages forment comme un deuxième ciel
Je trace alors une ligne droite
Vers la grande ville
Et dans ce lointain poussif
J’idéalise toutes ses lumières
Par-delà le périph
J’entrevois même ses boulevards
Des peaux ocre qui fusionnent dans la même toile
Des femmes voilées dans des trench-coats très bien ficelés
Mais soudain, la lumière décline
Seule la grisaille persiste
Cette même teinte uniforme encore et toujours
Elle me rentre dans les poumons
Ce sentiment récurrent d’être de trop
D’être loin de tout
De mon centre
De l’enfant
En équilibre constant sur ce point mort
Dont le projet d’ensemble me restera inconnu
Face à des toboggans statiques
Des chaises de bistrot déformées
A force d’accueillir les mêmes chômeurs sans cesse affalés
A contempler depuis les coulisses
Ces affiches surannées
Scotchées moult et moult fois par-dessus d’autres affiches
Des témoins oubliés ayant fait vœux de silence

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Texte de Grégory RATEAU
Extrait de Conspiration du réel, Unicité, 2022
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Grégory RATEAU est né en 1984 dans la banlieue parisienne. Il a commencé très jeune dans la création, à 17 ans, par l’écriture de scénario et la réalisation (avec la collaboration de l’acteur Michael Lonsdale).
Après de longs voyages, il s’est rapidement imposé sur la nouvelle scène poétique contemporaine (Festivals, revues, anthologies...). Il a obtenu le Prix Amélie Murat 2023 pour son second recueil, Imprécations nocturnes, aussi sélectionné au Prix Robert Ganzo du Festival Etonnants Voyageurs.
Toujours en errance, il vit aujourd’hui à Bucarest où il est le directeur d’un média mais aussi scénariste. Il est également l’auteur d’un récit de voyage, Hors-piste en Roumanie (sélectionné au prix Pierre Loti et très médiatisé dans sa version traduite en roumain) et d’un premier roman, Noir de soleil, chez Maurice Nadeau (sélectionné au prix France-Liban et au Prix Ulysse du premier roman 2020).
Comment ne pas penser au film " La haine " de Mathieu Kassovitz ?
Un très beau texte !