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Photo du rédacteurpoesiarevelada

Sur les sentiers du fleuve frontière.




Sur les sentiers du fleuve frontière.


Quand un groupe de joyeux marcheurs décident de longer pendant une semaine

un fleuve frontière, une simple marche devient une épopée. Monter une tente, un casse-tête,

trouver le tire-bouchon, un effort titanesque et se servir un verre de chardonnay sur le muret d'un champ, un acte insensé.

De cette joyeuse bande loufoque, le Douro se souviendra longtemps.


Le fleuve d'en-haut est, selon la tradition, celui des grâces célestes. Il "unit" l'Espagne et le Portugal sur près de cent vingt kilomètres.

Ici, la frontière n'est pas craintive. Le Douro est un coeur battant où, entre de hautes falaises granitiques, s'interpellent des vignerons en mirandès, un idiome rocailleux aux sonorités latines.


" Au milieu de la vigne,

des orangers, des oliviers ;

plus bas le village,

le fleuve qui s'enroule ;

dans l'air, une intensité absolue."


Cette région du Trás-os-Montes (Au-delà des Monts) est le Finistère en granit de la vieille Europe du Sud où palpite (de plus en plus faiblement) un coeur paysan, tourmenté par trop de migrations et le chagrin des exils.


Rencontre avec José Augusto Pires, courbé sur son pied de vigne, "il a gelé cette nuit", dit-il, résigné, en se tournant vers les visiteurs, que ses yeux ne peuvent plus voir. Il avoue, non sans malice, quatre vingt quatorze printemps. Sa femme Adélia l'observe à l'écart, élégamment appuyée sur une vieille canne devant une cabane, où les outils ont été rangés. "Que tu es beau ! " crie-t-elle à l'un des marcheurs, attentive comme une enchanteresse, dans la confection mystérieuse des philtres d'amour.

Bivouac le soir, près de Miranda. Les marcheurs investissent la petite cabane en pierres sèches pour y coucher la nuit et y poser quelques lumières. L'un d'entre eux choisit de rester dehors. La nuit est longue. Dans un songe halluciné, il se sent comme un pan de roche et voit une falaise de granit se détacher de la montagne, pour s'installer au milieu du fleuve. Le Douro tient les marcheurs sous son emprise de Gorgone.

Attention ! Qui verra la tête de la Méduse en restera pétrifié.


" La ligne des falaises

posée sur le fleuve ;

plus rien ne bouge, ne bruisse ;

le monde s'est enfin arrêté,

figé dans ce miroir d'eau."


A l'aube, José Augusto bine déjà son carré de terre, les mains nouées autour de sa bêche pour retourner cette terre minérale, desséchée par le vent. Il marmonne tout seul. Le bruit de sa pioche heurte le caillou et résonne dans le vallon tapissé de marguerites sauvages.

La marche se poursuit au plus près du fleuve. Au loin, des cigognes noires plongent dans les à-pics des versants abrupts.


" Le merle bleu

plonge dans le vide,

frêle esquif il ondule. Il épouse la brise."


Le groupe chemine ensuite vers la convergence du Rio Sabor et du Douro. "A cet endroit, l'eau du fleuve me rassure", ajoute l'un des marcheurs.

Ultime étape à Vila Nova de Foz Coa. Ici, la vie renaît. Les habitants du village quittent leur maison. Sur la place principale, tous les âges se mêlent, près de la coopérative viticole. Des enfants s'élancent sur une balançoire installée dans l'école. Une jeune femme pousse un landau. Le chauffeur d'un bus à l'arrêt fume son petit cigare d'un air léger, "on ne vit pas trop mal ici, dans cette région de Torre de Moncorvo", dit-il, esquissant un léger sourire, "parce que tout le monde a son petit potager, même s'il y a de moins en moins de vie".


Ici, la randonnée s'achève, comme dans un roman champêtre où le berger quittait le voyageur pour lui dire "Dieu vous garde Monsieur".


" Les paillettes étincelantes des pierres,

le chemin qui fredonne,

la plaine froissée,

le fleuve alangui,

l'écho du ciel."





_____________________________

Ont participé à la fabrication de ce récit/poème illustré :


- Thierry QUINTRIE LAMOTHE (Reporter / t.cleobie@yahoo.fr)...

... écriture du récit : “Sur les Sentiers du Fleuve Frontière”.


- Philippe DESPEYSSES (Poète-Marcheur / phildesp1@gmail.com)...

... et ses Écritures Poétiques.


- Laurent MOTTE (Créateur de Dessins / laurentmotte@hotmail.fr)...

... par ses Dessins.


- Matthieu DESPEYSSES (Photographe et Plasticien / mat.despeysses@gmail.com)...

... avec ses Photographies.


- Fernando COUTO e SANTOS (Professeur et Critique Littéraire / fcsdilettante@gmail.com)...

... par ses Traductions / Adaptations en portugais des écritures poétiques.


- Noribal ALMEIDA (Habitant de Lisbonne et du Trás-os-Montes / noribal.almeida@gmail.com)...

... avec son Texte : “Encontro com o olhar de um natural”.


- Hervé HETTE (Graphiste et Photographe / hervehette@gmail.com)...

... et la Conception Graphique de ce “petit ouvrage”.

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2 Comments


phildesp
Jan 19, 2021

 —- Enfin , mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : » Il faut partir n’importe où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde « ( Ch.Baudelaire )....Pourquoi pas par exemple dans le Alto Douro du côté du Tras os Montes , au delà des Monts....ces gaillards ils y étaient bien eux , tabernake de tabernake !

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phildesp
Jan 19, 2021

C’est qui cet énergumène qui écrit de si beaux récits/ poèmes...Qu’on nous le montre...Il mérite d’être connu et reconnu à moins qu’il ne se cache le canaillou !

Vive lui et ses potes qui ont l’air de s’être bien....tout en « produisant »  un si chouette truc.Vive le grand air de la vie. Organisons la résistance bande de...

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