
BUCAREST
Sur tes trottoirs enduits de poudre
Des séraphins ivres se laissent aller
Jeûnent à coup de temps mort
De petits compromis fumeux dans l’amnésie du soir
Ici, on s’arrange comme on peut avec les trocs
A l’ombre des blocs
Les journées se grignotent
Se recrachent aussitôt
Sur tes boulevards, les volants
A coup d'aigreurs bureaucratiques
Basculent. Klaxon contre klaxon
Les mouettes mitraillent le sol
Tout s'étiole lentement
Les ancêtres en file indienne
Se prosternent devant le pope
Un cierge allumé au nom des exilés
Les gloires statufiées veillent au grain
Sur tes places éventrées
Boyaux et viscères du faste d’antan
La vie s’accroche à des relents de beauté
Des cratères sur le pavé
Les gamins improvisent
A saute-mouton pieds nus
Dans ton énorme gueule
Dans l’impasse, l’herbe gangrène le béton
Un vaste portail mauresque
Des résidus de lumière pendus aux fenêtres
Les Mille et une nuit dans un trompe l’œil
Tout ici appelle aux souvenirs
On glisse sur toi en reconnaissant seulement des bribes
En fulminant sur un ailleurs
Dans l'impossibilité, pourtant, de te fuir
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Poème de Grégory Rateau - https://www.facebook.com/gregory.rateau.5
Superbe déambulation poétique. Rythmée, bien cadencée. Tout y est, grâce à un fin connaisseur comme Grégory Rateau pour nous immerger dans un Burarest tellement attachant dans sa latinité foutraque et sentimentale. Une saudade de l'est de l'Europe , une nostalgie aux portes du monde slave. Les belles passantes croisent sans cesse nos regards de naufragés.
Thierry Quintrie Lamothe