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L'or en Guyane

Dernière mise à jour : 25 mars 2019


J'ai dans mes veines du sang d'Indienne, Bochimane ou bien Roucouyenne", écrivait mon père, pour revenir vers ce coin de terre où il était né. Qui était ce marin briseur de tempêtes, qui " s'en fût, à travers l'Atlantique écumant, jeter l'ancre devant Cayenne..." ?

Un nom hante ma mémoire, celui de Fidéli Cléobie. Longtemps après sa disparition, l'âme de mon arrière-grand-père continue d'errer sans repos.

En fait, je sais très peu de choses sur lui, sinon, son goût d'une vie libre. Aucun film ne parviendra jamais à raconter son périple. Je ne l'imagine pas en tongues aux pieds, short bleu et tee-shirt délavé, mais en chevalier païen. Je le vois, calé au centre d'une pirogue en bois, glissant au fil de longues journées, pour rejoindre les sources de la Mana. Sur les berges, couleur chocolat, des racines démesurées plongent dans l'eau. Qui sait jusqu'où le fleuve s'insinue entre des îles touffues ? Des toucans au bec puissant passent d'une rive à l'autre. Quelle force pousse Cléobie à explorer ce bout d'Amazone, peuplé de jacquots verts ?

Battre le cœur de la forêt guyanaise. A une époque où la Guyane ne possédait ni lanceurs de fusées, ni orpailleurs en nombre. Aucun comptoir de ravitaillement. Coureur de grands bois, il sillonnera longtemps les fleuves de la Guyane, avec la rame comme carburant et un bagnard en fuite, comme compagnon de fortune. Entre le Maroni et l'Oyapock, la forêt primaire sera sa drogue et la nuit équatoriale, vécue comme une longue attente.

Enfin l'or ! L'étincelle sacrée de Cléobie, après tant d'années dans la boue des criques, au pied des cascades déchaînées. Le 12 février 1873, il est le premier à enregistrer un permis, dans cette riche région de la moyenne-Mana. Les gisements couvrent la Montagne Lucifer, au nord, et le secteur de la crique Marengo au sud. Dans ce dédale d’îlots mauves, les Esprits parlent du caïman noir pour effrayer les maraudeurs au fond du placer "Pas-Trop-Tôt". Cléobie, comme ses ouvriers, travaille dans la boue jusqu'aux genoux. Il loge dans un carbet à peine couvert. La fièvre le guette. Que de souffrances endurées pour quelques pépites !

Jusqu'au jour, où il découvre la tribu des Wayanas, installée sur le haut-Maroni, au pied des monts Tumuc Humac, les mythiques "bois-cathédrales ". Une indienne va le soigner. Et l'aimer. Fasciné par leur symbiose avec une vie frémissante et la fécondité de la forêt, Cléobie restera chez les Wayanas, pour s'occuper de sa petite Lucie, fruit de son amour.

Avec sa fortune, il aurait pu tapisser sa chambre de pièces d'or, comme son compère Vitalo. 

L'âme exaspérée des Esprits des Wayanas, le poursuivra longtemps, comme une ombre errante. Teint ocreux, pommettes saillantes, voûté par la malaria, Cleobie quittera la région, pour fuir la sauvagerie des hommes et rejoindre cet océan qui avait jadis transporté ses Ancêtres. Sa pauvre joie était de retrouver cette église isolée, illuminée des peintures naïves du bagnard Huguet, "avec l'aigre complainte indienne au village d'Iracoubo".




Recherche d'archive : Jean Marie Quintrie Lamothe


Thierry Quintrie Lamothe - t.cleobie@yahoo.fr

Auteur / Reportages

Photo de Jean Petot

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